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C'est en m'intéressant aux noms de plantes en patois vers chez moi, en Saône-et-Loire (http://plantes-patois-saone-et-loire.e-monsite.com/) que j'ai été interloqué par un fait qui était peu mentionné dans la littérature concernant l'origine des noms de famille : certains noms patois, typiques de la région, correspondaient parfois à des noms de famille centrés sur la même région : j'ai ainsi relevé des PILLOT (le thym serpolet), des CHATROUILLOT (le mouron rouge), des FIARJOLET (l'iris faux-acore), des FAVIÔLE (le haricot), des POULACHON (le prunellier), noms de famille bien particuliers à la Saône-et-Loire. Aucune étymologie évidente ne pouvait leur être rattachée, hormis la plante en elle-même.

La liste était suffisante pour je me lance dans la recherche systématique de liens du même type à l'échelle de la France. Ce travail est devenu possible grâce à internet, il aurait été bien trop fastidieux avant, voire impossible ; j'ai croisé le nom scientifique des quelques centaines de plantes les plus courantes de France avec leurs noms dialectaux (l'outil principal étant la fabuleuse base de données "PlantKelt" de Roland Mogn, mais également la très riche "flore populaire de Savoie" accessible sur internet), puis avec les bases de données de noms de famille existants ou disparus (sites internet filae, geneanet ...).

Je vous soumets donc ici le résultat. Il est surprenant que le fait ait été aussi occulté ; les spécialistes ne citent comme origine des noms de familles que les prénoms, les lieux, les métiers, les sobriquets. Certes certains noms de plantes peuvent constituer des sobriquets (une personne frisée comme du persil, longiforme comme un haricot, possessive comme du lierre, rougeaude comme du coquelicot ...) ; certes la personne peut avoir habité dans un lieu caractérisé par la présence de certaines plantes ; mais au vu de la longue liste que je vous propose ici, je pense que vous admettrez avec moi que certaines personnes ont pu être désignées, ou avoir choisi elles-mêmes, leur surnom "botanique" pour le seul plaisir de la référence à la plante. J'ai pu retouver plus de 200 plantes différentes dont les noms locaux sont également des noms de famille, ce qui élimine à mon avis l'explication par les correspondances fortuites.

De tous temps il a existé des gens passionnés par les plantes, c'est vrai maintenant, et il n'y a aucune raison pour que cela n'ait pas été le cas au moyen-âge. N'oublions pas que la société était bien plus rurale qu'actuellement, et que les plantes avaient une présence symbolique, spirituelle et matérielle bien plus fortes alors ; elles nourrissaient, soignaient, habillaient, étaient tressées, protégeaient des mauvais esprits, empoisonnaient (au propre comme au figuré), contrariaient les cultures, embellissaient la vie ... Le fait même qu'il ait existé autant de noms de plantes le montre bien. Un paysan du XIIe siècle devait connaitre probablement vingt fois plus de noms de plantes que l'agriculteur du 21e siècle.

Le cas de l'ivraie enivrante (Lolium temulentum) est intéressant : premièrement, il est impensable qu'une simple coïncidence fasse que les noms patois de la plante : drave, drouille, jocou, louet, marjal, soient tous des noms de famille. Deuxièmement : une plante qui nous paraît anecdotique pouvait s'avérer fondamentale à une autre époque : l'ivraie enivrante est devenue une des plantes les plus rares de France ; c'était il y a encore un siècle une adventice redoutée des moissons : ses grains avaient la propriété de donner des vertiges, et un mauvais goût à la farine.

Bien entendu, il existe dans la liste suivante des correspondances fortuites, ainsi que d'autres dues à une similitude d'origine étymologique, mais j'ai éliminé d'emblée certains noms, la plante ayant acquis son nom par une origine commune avec celle du nom de famille ; ainsi en est-il des noms de famille suivants :

  • Noms de plantes qui sont des prénoms devenus plus tard des noms de famille :

ARTÉMISE (plante : l'armoise), IRIS, JACINTHE, MARGUERITE, AMBROISE, ANGÉLIQUE, OLIVIER, BABETTE (plante : l'orpin), SABINE (plante : le genévrier).

  • Noms de plantes qui ont donné des noms de lieux avant de donner des noms de famille :

BUXY, BUSSY (le buis), CHASSAGNE (le chêne).

  •  Noms de plante qui font référence à un objet ou à une activité, le nom de famille ayant la même étymologie :

CHARPENTIÈRE (plante : l'achillée millefeuille), COPEAU (plante : la bardane / origine du nom de famille : un menuisier), FLÉCHÈRE (plante : la sagittaire), GANTELET (plante : la digitale), LACRETELLE (la cretelle est une herbe courante des prairies /origine du nom de famille à chercher avec le sens de "crête").

  • Noms de famille où il est préférable de voir des sobriquets, des qualificatifs, même si des plantes portent le même nom :

MIGNOT (plante : le thym), BARBAREY (plante : la barbarée), PUTIER (plante : le merisier à gappes - arbre puant), QUENOUILLE (plante : la massette).

Je n'ai pas retenu le nom de famille CRAMBES (qui est aussi le nom du "chou" maritime), car c'est un patronyme vraiment "sud" alors que la plante est vraiment "nord".

 

Je satisferai également les "people" : vous trouverez dans ce site  BEYONCÉ, (Emmanuel) MACRON, (Céline) DION, (François) REBSAMEN, (Jacques) BREL, (Michel) SAPIN.

 

 

 

 

Ce travail m'aura permis de découvrir une étymologie encore inédite à ma connaissance : le mot familier TIGNASSE ("chevelure") est donné classiquement comme venant de teigne, soit par comparaison avec la chevelure d'un teigneux, soit comme perruque pour coiffer un teigneux ; TEIGNE est bien l'origine du nom, mais il faut passer par le nom d'une plante, la cuscute, dont les noms patois sont tigne, tignasse (noms péjoratifs, la plante étant parasite des cultures et pouvant causer de gros dégats) ; l'aspect filamenteux de la cuscute rend évidente la filiation.

Cuscute

 

Afin de donner un avis sur la pertinence du lien entre un nom de plante et son nom de famille dérivé, j'ai adopté le code suivant :

MAJUSCULE EN GRAS : la correspondance est évidente, elle ne peut être niée,

minuscule en gras : la correspondance doit être considérée,

minuscule : correspondance possible, mais posant des problèmes (nom de plante et patronyme dans des lieux différents, plante ne poussant pas là ou se trouve le foyer du patronyme, plante et patronyme pouvant avoir une étymologie commune, etc).

 

Gilles VALENTIN-SMITH, mars 2018

 

A consulter également : http://plantes-idees-recues.e-monsite.com/